Comment vendre ses créations légalement en France ? Les conseils d'une juriste

Comment vendre ses créations légalement en 2024 ?

Interview de Maëva Diogo, juriste indépendante

Les artisans créateurs sont souvent confrontés à des questions d’ordre juridique. Mais comme chacun le sait : la réglementation peut être complexe à décrypter et évolue sans cesse. Un vrai casse-tête ! Pour vous guider au mieux et vous partager des conseils avisés, j’ai fait appel à une experte : Maëva Diogo. Juriste indépendante et créatrice de La Juriste 2.0, elle répond à vos interrogations les plus fréquentes et vous explique comment vendre vos créations légalement en 2024

 

Interview juridique de Maëva Diogo : comment vendre légalement ses créations en 2024 ?
Maëva Diogo, la Juriste 2.0

Les conseils et astuces de La Petite Fabrik’ vous aident tous les jours à construire et développer votre activité artisanale. Et si aujourd’hui, on venait y glisser quelques tips juridiques ? Ce n’est pas forcément le sujet le plus fun, surtout pour une âme créative, je le sais. C’est pourtant primordial d’être paré pour toutes les situations et, notamment, de protéger son travail !

Je suis Maëva, créatrice de La Juriste 2.0. J’exerce en tant que juriste indépendante auprès des entrepreneurs pour les aider dans le respect de leurs obligations et de leur travail. Aujourd’hui, je viens répondre à vos questions.

Table des matières

L’interview juridique : comment vendre ses créations en toute légalité ?

Quel est le statut le plus adapté pour une activité artisanale ?

Maëva : Malheureusement, il n’y a pas de réponse universelle à cette question. Chaque cas est particulier et chaque statut juridique possède ses avantages et ses inconvénients. Je vais tout de même pouvoir vous donner quelques éléments de réponse. Il est avant tout nécessaire de bien connaître votre situation (personnelle, financière, vos futures dépenses) pour déterminer quel statut vous conviendrait le mieux.

Souvent, pour débuter, le régime de la micro-entreprise (ancienne auto-entreprise) est conseillé. C’est le statut de l’Entreprise Individuelle (EI). C’est le plus simple à mettre en place et le moins coûteux, car la création est gratuite. Contrairement aux créations et mises en places coûteuses de sociétés (EURL, SARL, SAS, etc.). Cependant, cela reste un régime assez restrictif : chiffre d’affaires limité, pas de TVA à récupérer sur vos achats, etc.

Pour un artisan, les dépenses liées à l’achat de la matière première (et la TVA sur les achats) peuvent représenter un gros poids dans la balance finale de votre bénéfice. Pour pouvoir amortir ses dépenses, certains statuts sociétaux sont plus intéressants que la micro-entreprise (EURL, SARL, SAS, etc.).

Puis-je vendre mes créations en tant que particulier ou dois-je être déclaré ?

Maëva : La déclaration d’activité est obligatoire pour vendre en toute légalité. Peu importe le statut choisi.

Dès lors que vous vendez une création, un objet fabriqué à partir de matières premières et de vos mains, vous effectuez un “acte de commerce” au sens du Code de commerce

Ainsi, l’immatriculation et le statut de professionnel sont obligatoires. Tous les revenus issus de sa vente devront être déclarés.

Comment communiquer mes Conditions Générales de Vente (CGV) si je vends sur Instagram ?

Maëva : Vendre sur Instagram n’est pas impossible. Cependant, il faut tout de même respecter certaines règles, dont la communication de Conditions générales de vente (CGV) et la preuve du recueil de leur lecture par le client.

Mais comment procéder ?

Il n’y a en effet aucun problème avec le fait d’échanger et communiquer avec un futur client en messagerie sur Instagram. Simplement, lors de l’officialisation de la vente, il n’est pas conseillé de rester sur cette même messagerie. L’application n’est pas assez sécurisée pour dévoiler ses données bancaires. En cas de litige, vos échanges sur Instagram ne seront pas recevables auprès d’un médiateur ou d’un juge : les vocaux ne restent pas dans le temps, les messages peuvent être retirés, etc. Enfin, vous n’avez pas le moyen de recueillir la preuve de la validation de vos CGV par le client. 

Quelles sont les solutions pour se protéger en vendant ses créations via Instagram ?

Maëva : Légalement, en cas de problème, vous êtes obligé de prouver que le client a bien eu connaissance de vos CGV et les a acceptées. Dans ce cas, plusieurs solutions s’offrent à vous :

  • Si votre client confirme sa volonté de collaborer avec vous : envoyez lui un email récapitulatif (produit, prix, lien de paiement, etc.) avec vos CGV. Ainsi, il pourra les accepter, les signer puis régler le produit.
  • Si vous procédez à l’envoi d’un lien de paiement Stripe (par exemple) via Instagram : il est possible d’intégrer vos CGV sur cet outil et d’insérer une case à cocher pour que le Client puisse les accepter lors de l’achat.
  • Enfin, vous pouvez aussi utiliser une solution de signature électronique avec laquelle vous pouvez procéder à l’envoi de CGV à vos clients (sur leurs adresses emails) pour qu’ils les signent.

Comment réagir face à un impayé ? Quelles précautions prendre et quels sont les recours possibles ?

Maëva : Les impayés restent une des plus grandes peurs des entrepreneurs. Cependant, on ne peut pas garantir à 100% le fait que le client paiera. Il existe tout de même des moyens de se prémunir.

Encadrer juridiquement la vente, avec un document (ex : des CGV, un contrat, une facture) vous permet de prévoir les modalités de paiement et d’y insérer les éventuelles pénalités de retard applicable si le client ne règle pas la somme due. Ce document permettra d’avoir une preuve tangible du paiement dû et de pouvoir réclamer cette somme au client.

Enfin, s’il ne paie pas malgré votre relance courtoise, il faudra entamer une démarche plus approfondie pour obtenir le paiement :

  • Par une phase amiable en premier lieu : lettres de relances puis mise en demeure,
  • Par une phase judiciaire en second lieu : se rapprocher d’un cabinet de recouvrement ou d’un avocat par exemple, qui se chargera de la procédure adéquate pour votre cas

À quoi cela sert-il de déposer sa marque et ses créations auprès de l’INPI ? Comment se prémunir du plagiat ?

Maëva : Le fait de déposer sa marque ou bien ses créations (dessins ou modèles) auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) n’est pas obligatoire.

Ces dépôts permettent d’obtenir un titre de propriété sur un nom de marque, un logo ou des modèles de créations, qui vous donneront la possibilité de détenir le monopole sur la chose objet du dépôt. Vous pourrez ainsi contrôler (et par conséquent, interdire), toutes les exploitations, apparitions, utilisations de cette chose (de votre marque, comme de votre création).

Le fait de déposer sa marque ou ses créations permet également de se prémunir du plagiat. Le plagiat est appelé “contrefaçon” en droit de la propriété intellectuelle. Les droits dont vous êtes titulaires vous permettent d’agir en justice contre le copieur pour contrefaçon. C’est un moyen de défense puissant. La contrefaçon peut être pénalisée à hauteur de 300.000 € d’amende et 3 ans d’emprisonnement. 

Le dépôt de marque est valable 10 ans, renouvelable à l’infini. Le dépôt de dessins et modèles est valable pour 5 ans et renouvelable pour 25 ans maximum.

Si je n'ai pas effectué de dépôt auprès de l'INPI, quels sont les recours possibles en cas de plagiat ?

Maëva : Sans dépôt, l’accusation de contrefaçon de marque ou de dessin et modèle au sens de la loi ne sera pas permise. En revanche, votre travail peut tout de même être protégé au titre des droits d’auteur et de la confidentialité, par exemple. Pour cela, il vous faudra être vigilant sur les documents juridiques utilisés et les preuves d’antériorité conservées de votre travail et de votre avancée de création. Votre défense sera ainsi possible et d’autres accusations pourraient être fondées : concurrence déloyale, parasitisme économique, etc.

Je fabrique mes créations en France, mais je peux expédier à l'étranger. Quel droit s'applique ? Est-ce que je dois être vigilant sur certains points ?

Maëva : En tant que professionnel français, vous devez respecter le droit français dans votre entreprise et lors de vos ventes. Pour une expédition à l’étranger, il est nécessaire de vérifier que la vente et l’utilisation de votre création ne sont pas illégales dans le pays de réception. Sinon, votre colis risque d’être bloqué aux frontières.

La circulation de marchandises au sein de l’Union Européenne (UE) est libre (à condition d’être légale). Certains pays hors de l’UE demanderont des documents spéciaux pour pouvoir recevoir vos créations.

Avant d’ouvrir la livraison à l’international, il est primordial de faire une étude de marché sur la possibilité et la conformité de vos créations et matériaux utilisés afin de pouvoir procéder à l’envoi sans crainte. Des frais de douanes pourront être ajoutés pour l’acheteur à la livraison.

Pour vendre sur des marchés, la carte professionnelle des commerçants est-elle obligatoire ?

La carte de commerçant ou artisan ambulant est obligatoire, dès lors que vous souhaitez vendre vos créations sur un marché qui n’est pas dans la commune de résidence de votre entreprise. Cette carte à un coût (30€). Elle est valable 4 ans et peut être renouvelée.

Le plan d’action concret pour vendre ses créations en toute conformité

La conformité, c’est le fait de connaître ses obligations juridiques et de les respecter, pour assurer la viabilité de votre entreprise artisanale sur le long terme. En quelques étapes, comment être conforme ?

  1. Être déclaré en tant que professionnel.
  2. S’assurer de la disponibilité du nom de marque utilisé pour éviter tout problème par la suite.
  3. Éventuellement, prendre toutes les dispositions nécessaires (dépôt) pour protéger votre nom et vos créations.
  4. Détenir tous les documents juridiques nécessaires pour encadrer la vente en ligne et/ou son site internet : conditions générales de vente, mentions légales, politique de confidentialité, etc.
  5. Être sûr que les créations et les matériaux utilisés sont conformes et légaux dans les pays de livraison.

 

En tant que juriste, mon but est de rendre vos droits et obligations digestes et abordables pour que tout cet aspect juridique n’ait plus aucun secret pour vous. J’accompagne les entrepreneurs dans leur mise en conformité depuis 2 ans. La grande majorité de mon travail est de leur proposer des documents juridiques, répondant à leur secteur d’activité (par exemple ici, l’artisanat créatif) afin qu’ils se les approprient et puissent les utiliser en toute simplicité. Dans le but de les protéger, protéger leur entreprise et protéger leur travail.

Comment la juriste 2.0 vous accompagne ?

Juriste indépendante, je peux vous accompagner sur différents aspects :

  • Document juridique type : je crée le document juridique dont vous avez besoin en fonction de votre secteur d’activité ou de vos pratiques. Vous n’avez plus qu’à entrer vos informations personnelles et décrire vos créations.
  • Audit de conformité : si vous utilisez déjà des documents sur lesquels vous avez travaillé vous-même, je les analyse et vous transmets un rapport d’audit vous permettant de modifier ce document pour le mettre en conformité et à jour.
  • Mes services peuvent être retrouvés ici.
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